MOONAGE DAYDREAM
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sent to: piece of shit III, 02:08 am, 08/28]
UR A DEAD MAN VAN AMSHIT U HEAR ME ?!!? UR D E A D
U CAN TRY 2 HIDE ALL U WANT IMMA FIND U AND ULL WISH U WERE NEVER BORN!!!!
September 7th, 2023.
Patient : Nicholas van Amstel (III)
Interview 1.Grincement de porte. Échange inintelligible. Raclement de pieds de chaise.
Bruit sourd. (Nash vient de poser les coudes sur la table en bois)
Voix féminine en arrière plan.
Son indéfinissable. (Il pianote nerveusement)
NASH : Ça va. Ici ou ailleurs, c’est pareil.DR. HARTMAN : (…)
NASH : (gloussement)
J’ai vu mieux comme chambre, ouais.(Silence de quelques secondes)
NASH : C’est quoi, ça ? (Le son se fait plus fort, Nash a saisi l’appareil et l’approche de sa bouche.)
Vous allez m’enregistrer ? Je croyais que ce qui se disait ici devait rester entre nous. Secret professionnel, confidentialité médecin-patient, v’voyez le topo ? Vous n’avez pas assez avec vos notes ? Combien il va vous filer pour entendre mes conneries ? (Le
DR. HARTMAN répond calmement)
Vous croyez vraiment que vous allez me faire gober ça ? T’entends ça, P’pa ? Elle me prend vraiment pour un con. Ça va rester entre elle et moi. MAYDAY MAYDAY. Envoyez les secours.(Bruit assourdissant quand Nash pose brutalement l’appareil sur la table. S’ensuit un autre silence de plusieurs secondes. Léger bruissement des pages d’un carnet qu’on tourne.)
NASH : Ça vous est pas venu à l’idée que j’avais peut-être pas envie de vous causer ? Vous savez pourtant que je ne suis pas venu de mon plein gré.DR. HARTMAN : (…)
NASH : Oh. Come. On. Je ne veux pas de votre aide. Je ne veux pas aller creuser dans mon passé pour savoir ce qui fait que je suis moi. Je sais très bien pourquoi je suis comme ça. Je me conviens très bien, merci.Le
DR. HARTMAN parle pendant un long moment. Par moments,
NASH laisse échapper un ricanement ou s’agite.
NASH : Qu’est-ce qui vous dit que ce que je vais vous raconter sera la vérité ? Que je ne vais pas vous balancer des trucs juste pour que vous puissiez cocher vos petites cases et faire votre joli diagnostic ? Mmh ?DR. HARTMAN : (…)
NASH : Ma mère vous a dit que j’étais trop honnête pour mon bien ? (Il éclate de rire)
C’est la meilleure, ça ! C’est une façon de dire que j’ouvre ma gueule sans réfléchir aux conséquences de mes paroles. Voilà ce que ça veut dire. D’ailleurs, je suis prêt à parier que mon père vous dirait qu’il regrette amèrement le temps où je pétais pas un mot quand on me parlait et qu’il croyait que ça ne tournait pas rond dans ma tête.DR. HARTMAN : (…)
NASH : Je vous le dis comme c’est. Mon père m’a toujours détesté, ce sont juste les raisons qui ont varié, qui ont évolué avec le temps. Quand j’étais môme et que les gens posaient les yeux sur moi, je rêvais que la terre m’engloutisse. Je vous dis même pas comment c’était quand ils cherchaient à me parler. Les mots me restaient dans la gorge et je m’étouffais dessus. Putain, vous auriez vu la honte de mon père à chaque fois que je me mettais à bégayer. Au bout d’un moment, il a pris l’habitude de parler à ma place, ce qui n’arrangeait pas l’image qu’ils se faisaient tous de moi, ses amis, ses collègues.DR. HARTMAN : (…)
NASH : Comment vous vouliez que je me sente ? J’ai développé un don particulier pour m’échapper. En vrai, je ne me souviens pas du quart de ce qui se passait à cette époque-là. J’étais là, mais je n’étais pas là. J’étais loin. Ils parlaient au-dessus de ma tête et moi j’attendais qu’il me lâche. Je savais deviner le moment où il se lassait de ma présence et un regard suffisait pour que je sache qu’il était temps que je prenne la tangente.DR. HARTMAN : (…)
NASH : Vous vous demandez comment j’ai pu passer du gamin quasi muet à ça, hein ? (
NASH désigne sa personne avec grandiloquence.)
C’est ma mère qui m’a libéré. Elle l’a pas fait exprès, je préviens, mais elle a changé ma vie le jour où elle a largué sa bombe. Vous vous doutez de ce que c’est, non ? Quoi, il ne s’est pas vanté que son unique rejeton n’était même pas de lui ? Comme c’est étrange. Pourtant, c’est la vérité. Je porte son nom, j’hériterai de sa fortune et je n’ai pas la moindre molécule Van Amstel. J’appelle ça le Karma.DR. HARTMAN : (…)
NASH : Je viens de vous le dire. Ça m’a libéré. Je n’ai rien en commun avec ce connard. Ce n’est pas lui qui m’empoisonne, c’est moi qui l’empoisonne. Je suis le caillou dans sa chaussure, la rature sur son testament. Le boulet à sa cheville. Y a de quoi lui rendre la monnaie de sa pièce. Alors, ouais, il ne m’aimait pas quand je causais pas mais je crois qu’il me préférait quand même. Maintenant je parle trop, je dis ce que je veux, surtout si ça dérange.DR. HARTMAN : (…)
NASH : Quoi, mes autres relations ? Vous voulez savoir comment je m’entends avec ma mère ?DR. HARTMAN : (…)
NASH : Je connais pleins de gens. (Il semble moins assuré)
DR. HARTMAN : (…)
NASH : J’ai des amis. Ou peut-être pas. Mais de là où je viens, c’est comme ça que ça marche. Tout ce qui les intéresse, c’est d’avoir des connexions, un moyen de monter les échelons. L’argent achète tout, vous devez le savoir, non ? Oui, le bonheur aussi. Après, tout dépend ce que vous appelez le bonheur. Chacun a sa propre définition, non ? DR. HARTMAN : (…)
NASH : Je vais finir par croire que vous avez un don pour me tirer les vers du nez, Dr. Hartman. Vous n’êtes pas l’une d’elles, tout de même ? Vous n’entrez pas dans la tête des gens ?DR. HARTMAN : (…)
NASH : Personne. C’était une plaisanterie. Jeez, vous n’avez vraiment pas le sens de l’humour.(Le
DR. HARTMAN prend des notes.
NASH se tait et regarde autour de lui)
NASH : Il vous a dit combien de temps vous étiez supposée me garder ?DR. HARTMAN : (…)
NASH : Ah oui, dans le genre plus vague, vous pouvez pas faire.DR. HARTMAN : (…)
NASH : C’est juste que je n’aime pas les endroits confinés et la chambre que vous m’avez filée est vraiment pas grande…DR. HARTMAN : (…)
NASH : Ouais, on peut dire ça. Ça me fout des angoisses. Ça me rappelle—(Quelques secondes de silence)
DR. HARTMAN : (…)
NASH : Ça vous fait tripper, je parie. De fouiller, de retourner la terre. Vous pensez que la parole libère et moi je vous dis qu’on peut parler tout son saoul et ne rien dire qui vaille la peine qu’on se fatigue.DR. HARTMAN : (…)
NASH : Bon sang, qu’est-ce que vous voulez que je vous balance ? Que quand mon père ne savait plus quoi faire de moi, il m’enfermait dans un placard ? Que j’avais l’impression que les murs se refermaient sur moi ? Que j’ai dû m’évanouir une ou deux fois ? Allez-y, inscrivez-le dans votre petit carnet. Pour ce que ça change à ma vie.DR. HARTMAN : (…)
NASH : Non. Il n’a jamais levé la main sur moi. Vous croyez qu’il y a que les coups qui font mal ? Alors qu’il suffit d’un regard, d’un sourire, d’un peu d’indifférence. Mais rassurez-vous, il y a longtemps que je ne cherche plus l’approbation de mon père.DR. HARTMAN : (…)
NASH : …
DR. HARTMAN : (…)
NASH : Qui vous a raconté ça ?DR. HARTMAN : (…)
NASH : Non, c’est mon oeuvre. Je me suis fait ça comme un grand. Vous voulez les voir ? Non ? Vraiment ? Étrange. Pourquoi vous abordez ce sujet, alors ?DR. HARTMAN : …
NASH : Je sens que vous saturez. Ça tombe bien. Moi aussi. Qu’est-ce que vous diriez d’en rester là avec mes petites confidences ?DR. HARTMAN : …
NASH : Je n’essaie pas de fuir. Je m’ennuie, c’est tout. Cette conversation me saoule. Je suis pas spécialement pressé de retrouver ma suite Deluxe mais je préfère encore y retourner que d’entendre les grattements de votre stylo sur la feuille. Par contre, vous pouvez écrire ça : FUCK YOU. En majuscules. Et puis vous pouvez envoyer vos notes à mon père. J’espère qu’il paiera aussi bien le silence parce que c’est tout ce que vous aurez sur vos enregistrements à partir de maintenant. Parce que s’il y a quelque chose qui me reste de mon enfance, c’est bien ma faculté à m’évader en restant là. Ça et fixer les gens. Vous voulez voir ?(Le
DR. HARTMAN ne répond pas.
NASH croise les bras, se laisse aller contre le dossier de la chaise et fixe son interlocutrice.)
(Un déclic. L’enregistrement cesse).
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sent to: kervin, 05:38 am, 10/13]
You HAVE to get me out of this place
if you don’t help me I release the video of your little magic trick
I'm sure the world will love it