go farther in lightness.

capricorn focused, grounded, disciplined
[doesn't believe in astrology]
ersevin's backpack — cigarettes, old nokia phone, moleskine notebook (soft leather cover), a montblanc fountain pen (not his), sunglasses, a black baseball hat, black thermos (either coffee with milk or earl grey), gum, charcoal-colored gloves, pain medicine, a glock revolver, one round of ammo, a lockpick kit.

door-hopping.

new york city, october 19, van amstel corp. headquarters.
La première chose que fit Ersevin lorsqu’il sortit dans la cour réservée aux employés fut d’allumer une cigarette, et ce malgré l’interdiction en toutes lettres sur la porte qu’il venait de franchir. Il tira une longue taffe, puis expulsa la fumée, le regard perdu dans le vide. Les volutes grises flottèrent un instant, puis s’évanouirent dans la nuit glacée. L’hiver n’était pas encore là et pourtant, il reconnaissait sa caresse piquante sur sa peau nue, un peu en avance à son goût.
Une quinte de toux le secoua, réveillant chaque hématome imprimé sur sa peau, et Ersevin grimaça. Les gorilles qui servaient de garde rapprochée à Van Amstel senior ne l’avaient pas raté : ils s’y étaient mis à deux, et sans vraiment se répartir les tâches. De plus, la dualité good cop/bad cop semblait étrangère à leur manière de procéder et ils ne prenaient visiblement pas bien la critique, même lorsqu’elle était aussi claire et constructive que le majeur qu’Ersevin leur avait adressé en guise de salut lorsqu’ils avaient fait sauter la porte de son appartement, un peu plus tôt dans la journée, dans le but de « l’escorter » jusqu’aux bureaux de leur bien-aimé patron.
Eat shit, Van Amstel, songea-t-il en expulsant la fumée de ses poumons. À cet instant précis, ça valait aussi bien pour Van Amstel senior que pour son fils.

Nash…
Ersevin inspira brutalement. Un regard en travers de la baie vitrée lui apprit l’étendue des dégâts sur son visage : oeil au beurre noir, lèvre fendue en deux, hématome sur la joue.
De l’autre côté de la cour, une autre porte s’ouvrit. Ersevin plissa les yeux, mais il n’eut pas besoin de ses yeux pour reconnaître qui venait prendre l’air à cette heure-ci, bien en dehors des horaires de bureau habituels. La chute soudaine de température fut un autre indice.
Était-ce volontaire ? Ou avait-il provoqué une telle colère chez Noriko Fujigawa qu’elle ne parvenait plus à maîtriser sa cryokinésie ?

Non. Noriko était l’une des fées les plus puissantes qu’il ait jamais rencontrées. Même en l’absence prolongée de source, elle dominait parfaitement sa disposition, ce qui signifiait donc qu’elle tentait volontairement de le glacer jusqu’à l’os. Great. Well, il l’avait sûrement mérité.
— Je me disais bien qu’il faisait froid pour la saison, lança-t-il en guise de bonjour, alors que la femme d’une quarantaine d’années, vêtue d’un tailleur impeccable, iPad sous le bras, s’approchait de lui. Derrière ses lunettes élégantes, deux iris argentées semblaient prêts à l’écorcher vif.
Noriko lui adressa un signe de tête puis plissa le nez en le voyant fumer. Elle se posta à ses côtés et désigna le panneau d’un long doigt terminé par un ongle pointu. Presque une griffe. Ouch.
— Tu ne sais pas lire ?
— Si, se contenta-t-il de répondre, laconique. Il savait très bien que Noriko n’était pas venue lui faire la leçon sur ses vices ; il savait aussi très bien qu’il n’échapperait pas au savon qu’elle se préparait à lui passer. Ne lui restait donc qu’à profiter de sa cigarette, et prier pour qu’elle fasse ça vite. Il continua de regarder droit devant lui. Au milieu de la cour s’élevait une fontaine aux courbes abstraites et élégantes, et il focalisa son attention sur la mélodie de l’eau contre la pierre.
— Ça ne te ressemble pas de déroger aux règles.
Here we go.
— J’ai eu vent de ta petite… excursion, fit Noriko. Qu’est-ce qui t’a pris ? Le fils du patron, en plus. Do you have a death wish?

Yeah, you could say that.
— Il avait une vidéo. Il l’aurait posté partout, répliqua-t-il du tac-au-tac, un peu trop rapidement. C’était ce qu’il avait produit en guise d’explication face à Van Amstel senior. Mais contrairement à lui, Noriko n’allait pas se satisfaire d’un tel prétexte. Elle n’était pas la vice-présidente exécutive des opérations spéciales pour Van Amstel Corp pour rien, un titre aussi ronflant que la réalité qu’il recouvrait était âpre et complexe.
— Et ça ne t’est pas venu à l’idée de me prévenir ? Les couloirs de cette boîte pullulent de Crépuscules à tout va. Tu penses que tu es le premier à t’être fait filmer ? Ersevin…

La cigarette arrivait à sa fin. Ersevin capitula et l’écrasa sous sa semelle. Puis il se redressa et fourra ses mains dans ses poches. Dans la gauche, pliée en quatre, se trouvait la lèvre qu’il avait reçue deux jours plus tôt. Il la caressa du bout du pouce, comme pour s’assurer de son existence.
— C’était mon problème.

Noriko haussa un sourcil. Ersevin perçut son mince sourire mais ne chercha pas à croiser son regard. Il savait ce qu’elle pensait, il n’avait certainement pas besoin de l’entendre.
— Ne t’attache pas trop. Les humains— Ces humains-là, en particulier, ne sont pas comme nous. Cet humain-là, surtout, fit-elle en désignant l’un des derniers bureaux éclairés à cette heure tardive, celui duquel Ersevin avait eu de la chance de ne pas sortir par la fenêtre.
— Je ne sais pas ce que tu as promis pour qu’il te laisse sortir de là en vie, ajouta Noriko comme si elle lisait dans ses pensées (mais Ersevin savait qu’elle appartenait à l’Aurore et non pas au Crépuscule), mais tu as signé un pacte avec le diable.
Sounds about right.
Ersevin haussa les épaules. Avec lui ou avec un autre, quelle différence ? Hell is empty and all the devils are here, anyway.
— Un peu comme chaque fae qui décide de bosser pour lui, non ?
Noriko poussa un soupir et se pinça l’arête du nez. Elle posa son iPad sur un muret bordé de fleurs exotiques - qui semblaient supporter étrangement le climat de New York à cette période de l’année - et croisa les bras.
Cette fois-ci, Ersevin se tourna vers elle. Il devait beaucoup à cette femme. Après l’implosion de sa famille, lorsqu’il n’était qu’une fée de vingt ans perdue et rebelle paumée en plein New York, elle l’avait reconnu, recueilli. Elle lui avait donné un job. Offert un toit, le temps qu’il puisse voler de ses propres ailes. Une honte amère lui noua la gorge, et Ersevin détourna les yeux.
— Je connais déjà la réponse, mais j’imagine que tu vas disparaître pendant quelques temps…
Ersevin opina de la tête, le regard rivé sur le sol, les mains dans les poches. Mieux valait garder le silence plutôt que de laisser échapper un élément compromettant, une promesse qu’il ne tiendrait de toutes façons pas. Que savait-il faire, sinon trahir et décevoir ceux qui lui étaient chers?
Noriko reprit son iPad et amorça son départ. Mais avant de pousser la porte de la baie vitrée qui menait vers l’intérieur, elle lui adressa un dernier regard :
— Passe à l’infirmerie pour te faire raccommoder par une Lune. Je ne veux pas que tu te balades dans les couloirs comme ça. Ça effraierait nos nouvelles recrues et j’ai suffisamment de mal à recruter comme ça. Plus personne ne veut bosser de nos jours… 

Typical. Ersevin ne put s’empêcher de sourire et lui adressa un signe de la tête, puis la regarda disparaître à l’intérieur du bâtiment, retournant sans doute à son bureau jusqu’à des heures indues, tel le bourreau de travail qu’elle était.
De nouveau seul dans la cour, Ersevin sortit la lettre pliée en quatre de sa poche. Il relut les mots narquois et insolents. Mais là-bas, dans cette clinique, il avait vu un tout autre visage de l’héritier.
I know where you are, Nash.

And I’m coming.