Do you stay at Dupree ?

Jean and Mabel
@Jean Sonders

« Bonne fin de journée, à demain ! » Mabel salua ses collègues d’un bref sourire avant de refermer délicatement la porte de Cherry’s Bookstore. La fine pluie qui tombait délicatement sur Dupree la poussa à ouvrir son parapluie (rouge, assorti à la couleur qu’elle avait posé sur ses lèvres le matin-même !) avant de prendre le chemin du Little Deligh Café. La jeune femme ne travaillait pas ce vendredi après-midi (la journée, bien chargée, du samedi à venir lui demanderait bien assez d’énergie comme cela) et avait prévue de passer les quelques heures à venir en compagnie de Jean. Son amie envisageait de rester en Virginie, et Mabel avait la très ferme intention de lui vanter la vie à Dupree – même si tout n’était pas facile tous les jours mais cela, la fée de la lune ne comptait pas le préciser.

La fae traversa rapidement les rues calmes et toujours si bien entretenues de mayfield heights. Son cheminement la mena jusqu’à east hawk street, qu’elle remonta sur quelques mètres avant de s’engouffrer dans les rues des weymouth town. Mabel passa entre l’hôpital et la mairie, navigua jusqu’au lycée en face duquel se trouvait le petit café qu’elle aimait tant. Il ne faisait aucun doute que la fée avait changé, en quelques années. Cinq ans plus tôt elle aurait proposé à Jean d’aller manger un morceau au Mist, aujourd’hui elle préférait de loin se poser dans un endroit douillet – un salon de thé, une librairie, un café … ses habitudes avaient bien changé – même si elle continuait à aller boire un verre au Mist de temps en temps. Naturellement, le fait qu’Emerson travaillait au Little Deligh Café donnait à Mabel une motivation supplémentaire pour y passer de temps à autre – toujours avec parcimonie !

La jeune femme profita qu’on sortait du café pour s’y faufiler, repliant son parapluie derrière elle. Il faisait bon dans le café, et quitter pour un temps l’humidité ambiante était un soulagement. Dans le reflet que lui renvoyait la vitre de la porte, Mabel vérifia un instant que la pluie n’avait pas transformé ses cheveux lisses en une masse de petits frisotis avant de s’en détourner pour mieux chercher du regard Emerson Moore – en vain. La personne qui prit sa commande était une toute jeune étudiante, et Mabel n’aurait su dire si cela l’attrista où la soulagea. Elle remercia l’étudiante d’un sourire avant d’aller s’installer au fond de la salle, près d’une fenêtre qui donnait sur la rue. Son regard se perdit un instant sur les plantes tombantes installées ici et là. Un nouveau soupir lui échappa et, quand elle entendit à quelques mètres de là la voix de son amie saluer un serveur du café, Mabel secoua la tête, se redressa. Elle enroula ses mains autour de la tasse de café fumante – l’épaisse couche de crème qui recouvrait la boisson avant quelque chose de réconfortant – et, quand Jean s’installa face à elle, la salua. « Hello, Jean ! » La fae recula légèrement son plateau, laissant à son amie plus de place sur la petite table de bois. « Comment vas-tu ? Par ce temps radieux … » Sa campagne de promotion du Dupree ne s’ouvrait pas sous les meilleurs auspices ! « D’ordinaire le printemps est bien plus agréable ! » Quoique souvent pluvieux, mais il ne servait pas à grand-chose de préciser cela. Ahem. La fae repoussa délicatement le café pour mieux approcher son bagel, sur lequel elle loucha avec gourmandise. Un nouveau gargouillis échappa à son estomac. « Uuuuugh je meurs de faim. La matinée a été tellement chargée, je n’préfère pas imaginer ce que ce sera demain … J’espère qu’une paire de main arrivera rapidement à la librairie. Alors, » enchaîna-t-elle, bagel en main, avant de se pencher un petit peu plus en avant pour ne rien louper de la conversation à venir, « restes-tu avec nous ?! »

Jean and Mabel
@Jean Sonders

Sans se départir de son sourire, Mabel haussa les épaules. Elle avait parfaitement conscience de ne pas être bien subtile et cela ne lui faisait ni chaud ni froid ! Cette idée lui arracha un bref rire - elle avait été comme ça, quelques années plus tôt. Franche, directe, du genre à mettre les deux pieds dans le plat sans se soucier de ce que les gens pouvaient bien en penser. Sa petite bande n’avait jamais sourcillé et à ce moment-là, elle était très proche d’@Emerson Moore. Retrouver un tant soit peu de l’énergie qui l’avait habité à ce moment-là lui fit du bien, et elle adressa un large sourire à son amie. “Navrée ! J’ai décidée de ne plus prendre de gants, pour un temps. Ca fait du bien de se laisser un peu aller et de dire ce qu’on a sur le coeur comme ça vient !” Et pour faire bonne mesure, elle enfourna un morceau de bagel avant de poser un regard attentif sur son amie.

Il était évident que Jean était soucieuse, préoccupée. C’était le genre de cas de figure dans lequel Mabel ne savait jamais trop comment réagir - elle n’était pas faite, semblait-il, pour réconforter les gens ! Elle ferait toutefois de son mieux pour se montrer à l’écoute et rassurante, sans trop savoir où elle mettait les pieds ni ce qu’elle aurait à dire pour soulager son amie. “Ne t’en fais pas. Je suis surtout soulagée de voir que tu vas bien.” Imitant Jean, elle enroula ses doigts autour de sa tasse de café avant de la porter à ses lèvres. Sa gorgée passa de travers lorsque son amie lui fit part de sa volontée de rester, et l’exclamation de joie qu’elle s’apprêtait à lancer ne passa pas ses lèvres. Jean restait, mais elle ne lui donnait pas le sentiment d’être sûre de cette décision, pas sûre d’elle, sans doute pas tout à fait à l’aise. Mabel fronça les sourcils, pas certaine de ce qu’elle devait dire. “C’est une bonne nouvelle ! Si … si tu es certaine de ta décision,” fit-elle sans bien savoir sur quel pied danser, avant de serrer la main de son amie entre ses doigts. “Je suis ravie d’apprendre que tu restes, quoiqu’il en soit. Ce n’est pas la peine de réfléchir pour le moment … les choses vont se mettre en place petit à petit … Et je t’aiderai à te trouver tes marques ici. En vrai, Dupree n’est pas si terrible.” Elle lui adressa un sourire franc, sincère, avant de poser une simple question à Jean. “... est-ce le départ de Cass qui te met dans cet état ?”

Jean and Mabel
@Jean Sonders

Un temps, Mabel resta muette. Elle aurait voulu dire que personne, personne ne reste à Dupree toute sa vie mais … mais la jeune fae n’en pipa mot. Sa famille n’avait jamais quitté Dupree. Ils y étaient tous nés, y avaient tous passé leur vie entière et, à moins d’un miracle ou d’une véritable révolution dans sa vie, il en serait de même pour Mabel. Elle ne savait pas quoi en penser : Dupree était rassurante, elle y avait ses repères, ses habitudes, savait qu’elle n’y serait jamais surprise. C’était à la fois apaisant … et ennuyant. Bon. Mabel avait parfois l’impression qu’elle serait libraire toute sa vie, qu’elle fréquenterait les mêmes cercles - les cercles faes, bien entendu ! - toute sa vie, que … La fae s’appliqua à esquisser un large sourire et à agita sa main dans l’air, comme pour dire que oh, mais voyons ! C’était tout naturel de ne pas rester à Dupree ad vitam eternam ! Elle s’efforça à glousser. “Oh ne t’en fait pas ! Personne ne reste à Dupree toute sa vie !” Ses pensées s’envolèrent un temps vers ses amis - ceux qui étaient originaires de Dupree, Harper, Lewis, Emerson … mais aussi des autres, de Yuri notamment. Est-ce qu’eux resteraient à Dupree éternellement ?

Mais elle s’efforça bien vite de chasser ces pensées de son esprit - chaque chose en son temps. Pour l’heure, Jean avait de toute évidence besoin de se confier, et Mabel tenait à être présente pour son amie. “J’aurai tendance à te conseiller de t’écouter. Si tu as besoin de te poser un petit peu par ici, alors fais-le. C’est important, de s’écouter.” Le reste ne manqua pas de la surprendre. Comment ça, Jean avait des choses à régler ici ? Tout doucement, elle tourna la tête de gauche à droite, perdue pour de bon cette fois-ci. Non, elle ne savait pas ce qui avait amené Jean jusqu’ici. Elle s’était tout simplement dit que c’était la vie, le hasard - ce qui avait toujours amené les gens quelque part, en un sens. “Je … non ? Mais si tu veux en parler … ou que tu as besoin d’aide ! Alors tu t'adresses à la bonne personne,” souffla Mabel avant d’adresser à Jean un sourire doux. “Est-ce que tu sais d’ailleurs, pourquoi Cassie est partie ? Elle m’a pas vraiment … enfin je sais simplement qu’elle est partie. Est-ce que tu cherches quelqu’un, à Dupree ? Parce que je te disais que personne n’y passait toute sa vie mais …” Nouveau geste de la main dans les airs, suivit d’un bref rire gêné. “... mais ce n’est pas tout à fait vrai. Et il se trouve que ma famille connaît plutôt bien la ville. Plutôt très bien, même,” précisa-t-elle avec un chouilla d’agacement. Bien. Elle passerait sa vie à Dupree mais au moins, elle en saurait sans doute assez sur la ville pour aider son amie.